Stress au bureau : L’avis d’un psychiatre pour y remédier

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Trouble du sommeil ou de l’appétit, tristesse, anédonie (perte du plaisir dans les loisirs), irritabilité, changements brusques d’humeur… Ces symptômes indiquant l’état dépressif, s’ils sont monnaie courante à l’ère du « tout, tout de suite », sont facilement explicables en jetant à œil à la fameuse Pyramide de Maslow :

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En cas de conflit par exemple, ce sont les besoins d’appartenance et d’estime qui en prennent un coup : on ne se sent pas considéré(e) à notre juste valeur, le dialogue est au point mort, on se détache du groupe. La difficulté d’appréhender de lourds ou fréquents changements au sein de l’entreprise, comme des restructurations, l’arrivée d’un nouveau manager, impacte quant à elle nos besoins de sécurité. Enfin, une mauvaise hygiène de vie touche de plein fouet nos besoins physiologiques fondamentaux. Si on ne recharge pas les batteries, on s’épuise, tout simplement.

 

S’il y a une explication logique et largement acceptée, cela veut aussi dire qu’il existe des solutions. Un classement simple des principales sources du bien-être au travail nous permet d’établir des règles de vie en communauté à respecter et surtout, de les mettre en œuvre.

1 – RECONNAÎTRE LES DIFFÉRENTES FACETTES DE L’IDENTITÉ DE CHACUN

Qui n’a pas déjà entendu dire « c’est mal vu de partir à l’heure » ? Pourtant, certains sont parents avant d’être managers, passionnés de cuisine avant d’assurer les livraisons ou amoureux des voyages avant d’être comptables. Alors, comment assurer un bon équilibre entre vie pro et perso ?

 

Le constat

En 2014, près de 20% des travailleurs estimaient devoir répondre à des normes de production ou des délais obligeant une réponse dans la journée et pour la moitié d’entre eux, devoir répondre à toute demande « immédiatement ». Plus globalement, la moitié des travailleurs français déclaraient travailler le samedi. Aux vues de la conjoncture, on s’imagine que ces chiffres ne sont pas moins alarmants aujourd’hui. 

 

La règle : « Bon tempo, bon boulot »

Les horaires de travail doivent être, autant que faire ce peu, prévisibles et respectées afin de ne pas polluer la vie privée et éviter le traditionnel « je dois prendre cet appel » si courant à l’heure du dîner.

 

Les applications

  • Supprimer l’accès à sa boite mail professionnelle de son portable
  • Ne pas continuer d’envoyer des emails ou passer des appels professionnels après 20h

2 – ACCOMPAGNER LE CHANGEMENT

Dans l’entreprise, on jongle souvent entre les phases d’activités intenses et celles du :

Se donner les moyens de s’adapter au changement, c’est pouvoir le gérer sereinement.

Le constat

En 2014, 64% des travailleurs déclaraient être interrompus dans une tâche pour une autre non prévue et 70%, de ne pas avoir d’objectifs précis et chiffrés. On sait que recevoir des ordres contradictoires ou ne pas savoir ce que l’on attend de nous accroît significativement les risques de tension. Malheureusement, c’est précisément ce qu’il se passe quand l’équipe est débordée. Et pour faire bonne figure, on a tendance à ne pas vouloir créer plus de vagues en cachant ses émotions et en ne posant pas trop de questions. Inversement, l’aide au développement des compétences en période plus tranquille est réellement bénéfique au bien-être au travail.

La règle : « Un pour tous et tous pour un »

La solidarité est clé. En aidant un collaborateur à mener ses tâches à bien, en l’encourageant et en ouvrant le dialogue, on favorise son implication.

Les applications

  • Créer un tableau commun et accessible par tous listant les tâches hebdomadaires de chaque collaborateur. On doit y trouver : la date de la demande, la description de la tâche, le nom du collaborateur affecté, le statut, la deadline. Ceci permet : d’aménager la charge de travail de chacun, d’organiser les priorités, de fixer des objectifs clairs et d’institutionnaliser la solidarité.
  • Lors des entretiens annuels, encourager le potentiel du collaborateur et assurer l’acquisition de nouvelles aptitudes pour stimuler la motivation interne.
  • Les changements doivent être planifiés, explicites et rares (dans la mesure du possible).
  • Décharger les membres « satellites » d’un projet : n’inclure en copie d’un email que les personnes directement concernées au lieu de cliquer sur « répondre à tous ».
  • Penser la transition lors d’une promotion. Un n+1 était avant tout le n-1 d’un autre. Il avait un cercle d’amis au travail, une possible complicité avec des collègues. Lorsqu’il est promu, les règles et les besoins changent. La transition de rôle doit être préparée et pensée pour avoir des chances de réussite.
  • Organiser une « heure porte-ouverte » hebdomadaire lors de laquelle le manager se rend disponible pour répondre aux questions et préoccupations des membres de son équipe afin de briser la glace imposée par le système hiérarchique.

3 – STIMULER L’ADHÉSION

La recherche de sens et au cœur de nos préoccupations, qu’elles soient politiques, religieuses ou sociales. L’univers professionnel n’échappe pas à la règle et il est primordial d’avoir un système de croyances et de valeurs fortes auxquelles les membres de notre tribu puissent souscrire librement.

 

Le constat

Ne pas être fier de son entreprise augmente le risque dépressif par deux tandis que l’impression de faire partie d’une équipe le réduit par deux. En fait, c’est quitte ou double.

 

La règle : « l’union fait la force »

Si nous faisons partie d’un tout et que chacun d’entre nous avons une place essentielle à son bon fonctionnement ; lorsqu’une pièce manque, c’est tout le mécanisme qui s’enraye et la machine qui débloque. Mieux vaut prévenir que guérir et ne pas oublier de mettre de l’huile dans les rouages.

Les applications

  • Désigner une personne tierce pour régler les désaccords sur une base mensuelle. Un médiateur, un psychologue ou des volontaires en interne peuvent aider à la bonne entente et à apaiser les situations de crise.
  • Le team building, les newsletters et célébrations internes (anniversaires, succès, dîners) ne sont pas facultatifs. Ces « rites » développent la cohésion de groupe.
  • Assouplir la notion de « culture d’entreprise » pour ne pas la rendre indigeste, opaque ou mensongère. S’il y a des codes et valeurs à respecter, rappelons-nous qu’ils sont probablement les mêmes dans toutes les autres entreprises. Ce qui fait la différence d’une entreprise à l’autre, ce n’est pas la capacité des travailleurs à se fondre dans le moule mais celles du système à révéler les potentialités de chacun.

4 – ESTIMER ET RESPECTER L’AUTRE

Le constat

En 2014, plus de la moitié des travailleurs français estimaient être soumis à la pression émotionnelle de devoir « calmer des gens », or le fait d’être bouleversé ou secoué augmente de 50% le risque de dépression.

 

La règle : « Responsabiliser, pas condamner »

Lors d’une dispute, les parties prenantes ont nécessairement toutes deux tort. Pour en limiter les conséquences qui peuvent saper la confiance en soi, les rapports bourreau-victime doivent être abolis. De même que nous ne sommes jamais les seuls garants d’un succès, personne ne devrait porter seul le poids d’un échec.

 

Les applications 

  • En cas de conflit avec un collaborateur, proposer une rencontre informelle sur un terrain neutre à l’occasion d’un café ou d’un déjeuner par exemple. Le cadre professionnel et les étiquettes sont parfois de grands freins à la communication et pour la débloquer, il faut savoir remettre l’humain au centre des interactions.
  • La récompense marchant beaucoup mieux que la punition (la fessée n’a pas été interdite par hasard !), ne pas oublier de remercier et de valoriser le travail de son partenaire.
  • Le manager n’est pas un bouc émissaire. Il porte en général de lourdes responsabilités et a aussi droit à des espaces d’écoute pour faire face aux difficultés qu’il peut rencontrer. La présence régulière d’un psychologue ou l’organisation de réunions de soutien entre les membres de l’équipe de direction peut parfois être nécessaire.

5 – ÉCOUTER SON CORPS

Le constat

Il est plutôt amer. Au choix : en 2014, la moitié des travailleurs déclaraient avoir peur d’être blessés ou accidentés au travail ; et si 64% des français s’estiment être de gros dormeurs, 27% d’entre eux sont en dette de sommeil ce qui n’est pas étonnant quand on sait que les écrans retardent l’endormissement.

La règle : « Notre corps n’est pas un vaisseau mais un havre »

S’il est de plus en plus boudé au profit de l’esprit en milieu professionnel, l’un ne fonctionne pas sans l’autre. Le bien-être physique doit être notre priorité, de lui découle notre état de santé et donc d’épanouissement et de performance.

Les applications

  • Comme dans les start-up, la création d’un « cocon » détente ou l’autorisation de faire une courte sieste permet la consolidation de la mémoire et gestion des émotions (dormir porte conseil !).
  • S’assurer que les collaborateurs se sentent en sécurité dans l’exercice de leur fonction en posant des questions ouvertes.
  • Respecter le cycle circadien (du soleil) en limitant le travail sur écran après la tombée de la nuit.
  • Instaurer des challenges sportifs au sein de l’entreprise ou profiter d’une pause déjeuner pour se balader, nager ou faire une séance de fitness.

La relation entre deux collaborateurs est un mariage arrangé où le dieu est monétaire.

Mais comme dans un couple, elle est basée sur des règles, des besoins mutuels, des attentes, une disponibilité et bien entendu, une concrétisation dans le réel. Seuls une communication saine et le respect de l’autre peuvent en assurer la réussite. L’écologie du monde du travail, c’est comprendre que toutes les espèces qui l’habitent sont en symbiose et non en opposition.

Finalement, cela tient à peu : quand on sait ce que l’on doit faire, que nous avons le temps, l’énergie et le soutien nécessaire pour remplir nos objectifs et développer notre potentiel, l’entreprise devient une « deuxième maison » où il fait bon vivre.

Romain Bourdoncle

Interne en psychiatrie (Saint-Anne, Cochin)

Master 1 Génétique

Master 2 Neurosciences

Diplômé en Médecine du Sommeil

Diplômé en Thérapies Interpersonnelles

Thèse : Autisme, Écrans et Jeux Vidéos – opportunité thérapeutique ou facteur de risque ?

Références

DSM 5

Étude du Pr. Damien Leger, 11 mai 2018

Dares 2018 nº217, Travail et bien-être psychologique, l’apport de l’enquête CT-RPS 2016

Dares 2014 nº102, Les conditions de travail des salariés dans le secteur privé et la fonction publique.

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